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Escroquerie à la taxe carbone : fin de cavale pour Marco Mouly

Mêmes les meilleures cavales ont une fin. Selon une révélation du magazine « Challenges », Marco Mouly, 51 ans, a été interpellé mardi soir 15 novembre dans les rues de Genève. L’information nous a été confirmée par ses deux avocats, Me Philippe Ohayon et Me Serge Kierszenbaum, et l’Office fédéral de la justice suisse, lequel n’a toutefois pas souhaité faire de plus amples commentaires sur les conditions de son arrestation.

escroquerie-a-la-taxe-carbone-fin-de-cavale-pour-marco-moulyPersonnage fantasque et flambeur, cette figure de ce qu’on a appelé le « casse du siècle » était en fuite depuis le 7 juillet dernier. Ce jour-là, le tribunal correctionnel de Paris l’avait condamné, aux côtés notamment d’Arnaud Mimran, à 8 ans de prison pour son rôle de « logisticien » dans une vaste d’escroquerie à la TVA sur les quotas de carbone [ils ont tous fait appel de la décision, NDLR].

L’affaire portait sur un montant de 283 millions d’euros. Il s’agit à ce jour du plus gros montant jugé en France, où la fraude aurait coûté 1,7 milliard aux caisses de l’Etat entre septembre 2008 et juin 2009, selon un rapport de la Cour des comptes. Comparaissant libre et présent à toutes les audiences, Marco Mouly, surnommé « Marco l’élégant », marié et père de trois enfants, avait pris la poudre d’escampette juste avant le délibéré. Me Ohayon explique aujourd’hui :

« Ce n’était pas un acte de rébellion. Sur cent personnes, combien auraient eu le courage ou la folie de rester face à des réquisitions d’une sévérité invraisemblable dans une affaire financière ? »

« Six ans, je serais peut-être resté »

De gauche à droite : Arnaud Mimran, Samy Souied (assassiné) et Marco Mouly, les trois associés du CO2, selon les juges. © DR
De gauche à droite : Arnaud Mimran, Samy Souied (assassiné) et Marco Mouly, les trois associés du CO2, selon les juges. © DR

Sa cavale fut à l’image du personnage : rocambolesque. Privé de son passeport français dans le cadre de son contrôle judiciaire, Marco Mouly avait pourtant réussi à quitter le territoire, visiblement sans trop de soucis. Le lendemain de sa fuite, ce joueur de poker invétéré, né à Tunis et élevé sur le pavé bellevillois, où son prénom de naissance Mardoché fut transformé en Marco par les copains du quartier, car plus facile à prononcer, nous envoyait même une photo de lui prise dans les rues de Rome. Arborant une chemise d’un blanc immaculé, on le voyait prendre la pose, sourire en coin, devant une voiture de police italienne. Le cliché était assorti d’une courte phrase : « La sentence est trop lourde. » Selon plusieurs sources, Marco Mouly  aurait ensuite rejoint Israël par bateau.

Début septembre, pourtant sous le coup d’un mandat de recherche, il se jouait une nouvelle fois des contrôles pour revenir quelques jours à Paris. Nous avions alors pu le rencontrer pour une interview et même faire une photo de lui.

« J’étais bien au palais de justice, le 7 juillet. Plusieurs personnes m’y ont d’ailleurs croisé. Seulement, je ne suis pas entré dans la salle d’audience. J’attendais la décision quelque part ailleurs. Quand on m’a dit que c’était huit ans, j’ai pris l’escalier et j’ai filé ».

C’est ce qu’il nous avait alors raconté, avant d’ajouter : « Six ans, je serais peut-être resté ». Selon la légende, Marco Mouly aurait caché une robe d’avocat dans les toilettes du palais avant de prendre la fuite en empruntant la sortie réservée aux hommes de loi.

Au cours de cet entretien, l’intéressé avait également affirmé être prêt à se rendre, tout en prenant bien soin d’ajouter « à certaines conditions », disant craindre la prison où il était victime de racket lors de sa détention provisoire en 2014 et estimant que l’enquête et le procès sur son affaire avaient été bâclés. « J’ai même envoyé une lettre au président de la République », nous avait-il expliqué, missive de deux pages à l’appui. « Il avait écrit aux autorités pour leur signifier son intention de se rendre », confirme pour sa part Me Serge Kierszenbaum.

Cette « escapade » parisienne avait été toutefois vécue comme une volonté de narguer les autorités par les services de police et le Parquet national financier. D’autant que l’intéressé avait également accordé une interview au magazine « Vanity Fair« . Son départ de France pourrait être aussi lié à deux autres affaires d’escroquerie à la TVA pour lesquelles il a été mis en examen pour l’une et, pour l’autre, condamné en mars 2015 en première instance à trois ans de prison, dont deux avec sursis, une décision dont il a fait appel.

Des doutes sur l’extradition

Selon nos informations, Marco Mouly était encore en Israël en fin de semaine dernière. « Il se peut que les services israéliens aient signalé sa venue à Genève », confie une source proche du dossier. Des policiers français pourraient avoir également contribué à son arrestation.

Sa présence sur les bords du lac Léman n’est pas forcément une surprise. L’homme y avait ses habitudes. Lors de leurs investigations dans le cadre de l’enquête sur l’escroquerie à la TVA sur les quotas carbone, les limiers des douanes avaient remonté la trace de plusieurs comptes ouverts chez HSBC à Genève (sur lesquels avaient circulé une partie du produit de la fraude). Derrière ces comptes appartenant à des sociétés panaméennes, dont l’une portait le nom de « Fantômas », se cachaient des prête-noms proches de Marco Mouly.

Lors des audiences, ce dernier avait reconnu être le véritable bénéficiaire de ces comptes sur lesquels 7 millions d’euros avaient été saisis. Par le passé, l’intéressé avait été contrôlé à deux reprises à la frontière avec la Suisse alors qu’il faisait entrer en voiture des espèces non déclarées sur le territoire français. L’argent était caché dans des boîtes de kleenex. Lors d’un de ces contrôles, Marco Mouly présenta le passeport de son frère. « Une commission et l’héritage de sa grand-mère », avait-il affirmé aux douaniers qui l’interrogeaient alors sur l’origine des sommes. Au cours du procès, Mouly avait en outre affirmé disposer de plusieurs autres comptes à la HSBC de Genève.

Quand sera-t-il extradé vers la France ? « S’il refuse son extradition, cela peut prendre de longues semaines », assure Me Ohayon. Sera-t-il présent lors de son procès en appel dans l’affaire d’escroquerie à la taxe carbone ? Celui-ci se tiendra à partir du 17 avril 2017.

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