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TRIBUNE – Messieurs les mollahs, tirez les premiers ? Par Hagay Sobol

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Par Hagay Sobol

C’est la menace planétaire de l’arme atomique aux mains de Téhéran qui a convaincu les USA et Israël d’attaquer préventivement son programme nucléaire. Entre légitimité, légalité et risque d’extension, les deux alliés ont tranché. Cette guerre de 12 jour change de manière radicale le visage du Moyen-Orient.

Les terrifiantes images d’impacts de missiles hypersoniques dans les villes israéliennes, malgré le « Dôme de fer[1] », ont fait le tour du monde. Que serait-il advenu si l’un deux avait emporté une ogive nucléaire ? Pour l’Etat hébreu, il s’agissait bien d’une menace existentielle et non d’une variable d’ajustement de sa politique extérieure comme pour les pays n’ayant pas la Théocratie chiite comme voisin. Cette guerre de 12 jours, dans les suites du pogrom du 7 octobre, a été méticuleusement planifiée sur le plan stratégique et opérationnel. En jouant sur l’effet de surprise et la désinformation, les mollahs ont été pris à leur propre piège. Après avoir considérablement réduit la menace nucléaire, ce conflit débouche sur un cessez-le-feu rapide mais précaire. Plus rien ne sera comme avant.

 

Légitimité vs légalité

Depuis sa fondation en 1979, une même haine anime la République islamique d’Iran envers les USA, « le grand Satan » et l’Etat hébreu, « le petit Satan ». La Théocratie chiite a fait de la destruction de ce dernier un de ses principaux objectifs. Ironie de l’histoire, l’horloge « pour l’anéantissement d’Israël », prévue pour 2040, vient d’être détruite par Tsahal.

Au-delà des symboles, le régime des mollahs avait érigé une véritable « ceinture de feu » constituée de proxys armés et financés par Téhéran. Ce dispositif, agissant par procuration de Téhéran, a multiplié les attentats de par le monde, voire provoqué des guerres comme en 2006 au Liban et les représailles au pogrom du 7 octobre 2023.

L’ambition des mollahs a toujours été de maitriser la filière nucléaire afin de sanctuariser leur régime et d’imposer une hégémonie régionale. Le niveau d’enrichissement de l’uranium, seul compatible avec un objectif militaire, des éléments cachés, la non coopération avec l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie atomique) et son programme de missiles balistiques ne laissaient guère de doute. La République islamique était devenue une puissance du seuil, disposant des éléments nécessaires à la confection de 10 bombes nucléaires pour les utiliser le moment venu.

Si l’article 51 de la Charte des Nations Unies ne mentionne pas explicitement la « guerre préventive », il reconnaît cependant, le droit à la légitime défense en réponse à une agression armée ou une menace imminente. Cette défense doit être proportionnée et immédiate. Vue le contexte, les menaces d’extermination proférées par l’Iran contre Israël et l’accès à de armes de destruction massive, l’attaque préventive menée par le Khe’l avir (aviation israélienne) et l’US air force était légitime, légale et proportionnée. Et pour paraphraser Sun Tzu, le célèbre stratège chinois : « l’attente passive sans préparation adéquate conduit à la perte ».

Les leçons du conflit

Il ne faudrait pas que la mauvaise image que l’on a du président américain, Donald Trump et du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou altère l’analyse des faits et leurs conséquences.

L’Iran est passée, en 12 jours, de puissance hégémonique, crainte de tous, à un pays isolé et très affaibli, incapable de se défendre autrement qu’en ciblant des villes israéliennes. Les pertes sont considérables, les installations nucléaires, les infrastructures énergétiques, les soutiens essentiels du régime et des experts nucléaires, difficilement remplaçables, ont été éliminés. Ainsi, 500 milliards de $ sont partis en fumée. Il sera difficile au régime de se relever et de reprendre sa marche vers la « Bombe ». Désormais une autre horloge tourne à Téhéran, celle de la chute des mollahs, tant la haine du peuple est grande.

Ensuite, Israël, de puissance régionale, s’est hissé dans le club très fermé des pays pouvant se projeter à plus de 2000 km de ses frontières, mener une guerre sur 7 fronts, capable d’intercepter plus de 95% des projectiles visant ses agglomérations civiles, d’opérer de manière chirurgicale (avec une marge de 30 cm), avoir la maitrise arienne totale d’un Etat 70 fois plus étendu. Sans parler de ses services de renseignement qui ont pénétré jusqu’au plus près de l’Ayatollah Khameneï. Ces résultats n’ont été possibles que par la totale intégration des forces armées, l’innovation technologique, ainsi que la prise en compte de tous les scénarios possibles par l’état-major. Devant cette performance, même si les pertes civiles à Gaza sont insupportables, on ne peut s’empêcher de questionner la véracité des chiffres rapportés par la « défense civile » qui est une émanation du Hamas.

Quant aux USA, ils signent leur grand retour au Moyen-Orient. L’imprévisibilité de Trump, par ailleurs délétère, est peut-être le seul langage craint des tyrans comme Khamaneï, Poutine ou Xi Jinping. Avec lui tout est possible comme il l’a dit au Wall Street Journal : « le WSJ n’a aucune idée de ce qui se passe dans ma tête ». Il n’a pas hésité à menacer, dire tout et son contraire ou bluffer comme l’avait fait auparavant le pouvoir iranien. Pour, in fine, faire étalage de la pleine puissance américaine mais avec une utilisation mesurée et ciblée : le site inexpugnable de Fordow, fleuron nucléaire des mollahs, et deux autres sites. Et tout cela en parfaite coordination avec Tsahal. Ces opérations ont demandé un très long temps de préparation avec un travail de sécurisation préalable des défenses ariennes ennemies, dévolu aux israéliens. Le grand gagnant, c’est le locataire du Bureau ovale : une action spectaculaire en un temps limité, sans perte US, essentiel à l’approche des élections à mi-mandat. Donc contrairement, aux rumeurs, ce n’est pas « Bibi » qui a influencé le « président orange », mais plutôt l’inverse.

L’utilisation des bombardier furtifs B-2 et des bombes anti-bunkers GBU-53 aura-t-elle le même impact psychologique que le bombardier B-29 « Enola Gay » qui largua la 1ère bombe atomique sur Hiroshima et assurer une longue période de dissuasion ?

Du risque d’extension du conflit à un cessez-le-feu fragile

La majorité des chancelleries occidentales a redouté une généralisation du conflit à chacune de ses étapes : d’abord à Gaza, au Liban, en Syrie, puis au Yémen et enfin contre l’Iran. Rien de cela ne s’est produit. Cela procède d’une erreur d’appréciation quand on est gouverné par ses peurs. Ce qui restait des proxys, ne voulait pas courir le risque de disparaître complétement et aucun des alliés de Téhéran, ni les « frères arabes », ne sont venus à la rescousse. La Russie et la Chine se sont contentés de condamnations de pure forme. Beijing a même fortement déconseillé de fermer le détroit d’Ormuz par où transite 20% de la production d’hydrocarbures mondiale.

Les mollahs n’avaient que très peu d’options. Aussi ont-ils organisé un simulacre de représailles contre la base américaine d’al-Udeid au Qatar, en prévenant, au préalable toutes les parties, y compris Israël. Un acte symbolique, pour ne pas perdre la face qui s’est retourné contre ses auteurs. En bombardant leur seul allié arabe, ils ont contribué involontairement à la formation de fait d’une coalition entre les pays du Golfe, les USA et Israël.

« Messieurs les anglais, tirez le premiers ! »

Si l’Iran a perdu la guerre, le régime est encore en place. Même diminué, il persiste des capacités de nuisance : tous les sites nucléaires ne sont pas détruits, ni les lanceurs et une partie du stock d’uranium enrichi a été déplacé. La suite va dépendre de la capacité du régime à résister à cette défaite, de la possibilité d’avancer en secret vers la bombe, alors que les Israéliens vont continuer à les surveiller. Et surtout, de la volonté de l’homme le puissant de la planète. Si ses intérêts immédiats coïncident avec ceux de ses alliés qui travaillent sur le temps long, alors il laissera Jérusalem, intervenir comme il le fait au Liban, contre la réémergence du Hezbollah. Voire plus radical, reprendre le combat contre le régime des mollahs, dont il ne veut pas la chute pour le moment.

L’instauration d’un pourvoir démocratique en Iran, permettrait l’arrêt des sanctions, la reconstruction, et relancerait l’économie, avec d’énormes marchés à la clé. Ce serait la meilleure garantie pour mettre fin au danger nucléaire. Mais la crainte d’une instabilité chronique et de se retrouver entrainé dans une guerre d’usure contrebalance ces espoirs. Cela contraint à l’attentisme, tant que le danger n’est pas imminent, avec le risque plus grand de n’avoir pas le temps de réagir.

Toute l’ambiguïté est là. La célèbre phrase prêtée à Voltaire et qui n’a sans doute jamais été prononcée prend toute son actualité : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! ». Habituellement prise pour une forme de galanterie suicidaire consistant à laisser ses ennemis tirer les premiers, la présence de la virgule autorise une autre interprétation : tirons avant que les anglais ne le fassent !

 

[1] Dôme de fer : utilisé dans sa forme générique pour désigner le système anti-missile multicouches israélien incluant le Dôme de fer proprement dit, la fronde de David et la Flèche.

 

attaque préventive Iran Israël

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Il est Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».

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