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Après les attentats: que chacun soit « le gardien de son frère » (grand

Haim-Korsia-grand-rabbin-de-FranceParis, 20 fév 2015 (AFP) – Le grand rabbin de France Haïm Korsia, chef
religieux de la première communauté juive d’Europe, appelle chacun à « devenir
le gardien de son frère » après les attentats et actes antisémites de ces
dernières semaines en Europe, dans un entretien à l’AFP.

QUESTION: Après les attentats de Paris et Copenhague, qui ont visé
notamment des juifs, des commentateurs ont parlé de fractures, entre citoyens,
dans les sociétés européennes. Est-ce votre analyse?
RÉPONSE: « On a longtemps refusé de faire ce constat. La manifestation du 11
janvier a été un moment de grandeur parce que d’unité et de fraternité
retrouvées, qui a invité chacun à ne plus nier l’évidence. Le vivre ensemble
ne doit pas être un mantra mais une capacité à vivre des solidarités
concrètes, en éloignant les fausses projections que l’on a sur l’autre. Je
viens de me rendre au Mémorial du 11-Septembre à New York, symbole de
l’aptitude d’une société démocratique à se relever quand elle a été frappée en
son sein – comme on vient de l’être. Il y a aux États-Unis une culture de la
résilience dont j’ai vu les bienfaits. »

Q: Depuis le 7 janvier, tout le monde en France veut promouvoir la laïcité.
Mais laquelle?
R: « Il n’y a pas de +mais+. La laïcité c’est la laïcité: la neutralité de
l’Etat, la liberté de pratique religieuse dans la mesure où elle n’affecte pas
les autres principes républicains. La laïcité ne peut pas devenir une nouvelle
religion niant le fait religieux, sinon nous allons créer deux sociétés alors
que nous cherchons à produire de l’unité. Nous ne sommes pas une société
monolithique, mais une communauté de citoyens avec leurs points de vue
spirituels ou philosophiques, qui ont la même espérance: la France. Ce n’est
pas un pays où l’on est heureux, c’est un pays où l’on veut l’être. L’islam
aussi a les moyens de s’adapter à la laïcité. Une prière pour la République
-récitée dans nos synagogues- peut être élaborée dans l’islam français. »

Q: Comment, en tant que rabbin, répondez-vous à cet antisémitisme qui
resurgit, dans le dialogue avec les juifs?
R: « En me plongeant dans le message biblique. Jamais le judaïsme n’a prôné
autre chose que l’espérance. Appuyons-nous sur l’expérience des anciens: ils
ont appris, par le prix terrible du sang, à détecter les vibrations les plus
infimes de la société. L’État a mis le temps pour les entendre, mais à présent
la volonté politique de lutter contre ces maux est incontestable. Le pas
suivant, c’est l’engagement des citoyens. Que chacun devienne le gardien de
son frère, en déployant une vigilance. Nous gagnerons en efficacité ce que
nous perdrons en innocence. »

Q: La profanation du cimetière juif de Sarre-Union, est-ce le signe d’une
perte du sens de l’humanité même?
R: « D’aucuns disaient que l’inculture mènerait à la barbarie: nous y
sommes. Cette violence contre des tombes est la négation de l’humain même
après sa mort. Et qu’on ne me raconte pas que ces adolescents ne savaient pas
ce qu’ils faisaient: ils le savaient très bien car cela touche à l’interdit.
Manifestement, personne ne leur a inculqué le respect des morts; comment alors
demander de respecter les vivants? Nous-mêmes, juifs, nous nous sommes dit que
cette profanation était terrible parce qu’elle était massive. Mais à combien
de tombes profanées fixe-t-on la limite de l’acceptable ? Une sépulture
profanée, un crachat dans la rue au passage d’un juif, est inadmissible. Aux
Etats-Unis, on appelle ça la théorie de la +broken window+: dès la première
vitre cassée, on sévit. »

Q: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu multiplie les appels
aux juifs d’Europe pour qu’ils émigrent en Israël. On sent que les
responsables communautaires veulent répondre « restons en Europe, c’est ici
qu’est notre vie ».
R: « Nous l’avons toujours dit! Les juifs de France s’inscrivent dans une
histoire française, ils entretiennent les traditions d’un judaïsme
bimillénaire. Rachi, qui a permis aux juifs du monde entier de comprendre la
Torah et le Talmud, a vécu il y a plus de 900 ans à Troyes. Nous devons encore
porter ce génie combiné de la France et du judaïsme. Si quelqu’un,
spirituellement, sereinement, librement, fait le choix de l’aliyah, c’est
formidable. Mais ce ne peut être une fuite, ce serait tragique. Il faut donc
qu’on réenchante la possibilité pour chacun d’habiter en France, en Europe. »

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