Les Houthis, Ben Gourion et la nouvelle ligne de front : Israël et les États-Unis face à l’extension du conflit
Par Alain SAYADA

Le conflit israélo-palestinien, enraciné depuis des décennies, a franchi un nouveau cap ce week-end. Pour la première fois, un missile balistique lancé depuis le Yémen par les rebelles Houthis a touché une zone à proximité immédiate de l’aéroport Ben Gourion, principal hub international d’Israël. L’événement n’est pas anodin : il redéfinit les lignes de front et confirme que la guerre déclenchée le 7 octobre a des répercussions régionales de plus en plus dangereuses.
La riposte américaine n’a pas tardé. Washington, engagé dans une campagne militaire continue contre les Houthis depuis la mi-mars, a intensifié ses frappes sur Sanaa, la capitale yéménite. Selon les autorités américaines, ces opérations visent à rétablir la liberté de navigation en mer Rouge et à affaiblir les capacités offensives du groupe, soutenu par l’Iran.
Mais ce qui était présenté jusqu’à récemment comme un conflit périphérique – une série d’attaques de drones et de missiles perturbant le commerce maritime – s’est brutalement recentré sur Israël, confirmant le rôle croissant des Houthis dans l’« Axe de la Résistance » iranien. Après le Hamas et le Hezbollah, qui n’ont plus les moyens de s’opposer à Israel c’est désormais, au tour des Houthis de chercher à frapper Israël directement sur son sol, avec des objectifs de plus en plus stratégiques : un blocus aérien.
Une guerre à visages multiples
Israël se retrouve ainsi dans une situation inédite : attaqué sur plusieurs fronts par des acteurs différents mais coordonnés, chacun avec son mode opératoire et ses ambitions locales, mais tous reliés par un fil conducteur idéologique et logistique : l’Iran. Le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Syrie et en Irak, et aujourd’hui les Houthis depuis la péninsule arabique, agissent comme les proxies d’un régime iranien qui cherche à encercler Israël et à défier l’Occident.
L’administration américaine a pris la mesure de cette menace. Selon le CENTCOM, les frappes en cours ont permis une réduction significative des attaques houthies en mer : -69 % de tirs de missiles balistiques et -55 % de drones. Mais ces chiffres, encourageants sur le plan naval, n’empêchent pas l’extension terrestre et aérienne du conflit. Les Houthis ont désormais montré qu’ils peuvent frapper des cibles stratégiques israéliennes, au cœur même du territoire.
Vers un tournant stratégique ?
La déclaration du Premier ministre Benjamin Netanyahou selon laquelle Israël répondra « au moment et à l’endroit de notre choix » vise autant les Houthis que leur parrain iranien. En clair, le risque d’un élargissement de la guerre à l’Iran lui-même devient une hypothèse de moins en moins théorique.
L’attaque de l’aéroport Ben Gourion a aussi une valeur symbolique et économique : il s’agit de la porte d’entrée d’Israël dans le monde, un vecteur de stabilité, de connectivité et de normalité pour un pays en guerre. Le fait que plusieurs compagnies aériennes aient suspendu à nouveau leurs vols est un coup dur pour le moral, le tourisme, et l’image d’Israël.
Conclusion : ne pas sous-estimer la menace
Il serait dangereux de considérer les Houthis comme une simple force régionale agissant par solidarité islamiste. Ils sont devenus un levier militaire de l’Iran sur un théâtre secondaire devenu central. En menaçant Israël et en s’attaquant aux routes maritimes mondiales, ils cherchent à redessiner l’ordre stratégique de la région.
Les États-Unis et Israël sont désormais engagés dans une guerre hybride et asymétrique à large spectre, où chaque front peut devenir le déclencheur d’un conflit ouvert de plus grande ampleur. L’attaque contre Ben Gourion est un avertissement clair : le front yéménite ne peut plus être ignoré, ni par Israël, ni par l’Occident.
Alain SAYADA