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Batteries sol-air russes S-300 à l’Iran: un message à visées multiples

Paris, 14 avr 2015 (AFP) – Des batteries sol-air russes à l’Iran ? Elles ne
sont pas encore livrées, mais l’annonce de Moscou constitue selon des
analystes un message à plusieurs détentes, à la fois commerciale et politique,
tant à destination de Téhéran que des Occidentaux.
La levée lundi par le Kremlin de l’interdiction de livrer à l’Iran des
systèmes S-300, un équivalent des Patriot américains capable d’abattre avions
et missiles, a provoqué une déflagration dans un contexte géopolitique et
stratégique particulièrement tendu.
Dans une région embrasée par des crises (Syrie, Irak, Yémen) où Téhéran est
notoirement impliqué, à un moment où les négociations internationales sur le
nucléaire iranien entrent dans leur phase finale, cette annonce a suscité
interrogations et critiques.
Israël s’est inquiété mardi d’une mesure qui « va augmenter l’agressivité de
l’Iran (…) et saper la sécurité au Moyen-Orient ». Les Etats-Unis ont
critiqué une décision « pas constructive » de Moscou.
« Annoncer la fin de l’interdiction de livraison, c’est une chose, livrer en
est une autre », relativise le spécialiste des questions géopolitiques
internationales François Heisbourg. Les relations russo-iraniennes sont
« compliquées » et ce ne sont « pas deux pays qui se font naturellement et
spontanément confiance », souligne-t-il.
La Russie n’a d’ailleurs donné aucune date de livraison, et a souligné
qu’il faudrait au moins six mois pour achever la fabrication.
Le dossier des S-300 pèse sur les relations russo-iraniennes depuis 2010,
lorsque Moscou avait interdit leur livraison en application d’une résolution
des Nations unies sanctionnant Téhéran pour son programme nucléaire. Furieux,
l’Iran réclamait 4 milliards de dollars de dédommagement pour ce contrat signé
en 2007 pour 800 millions de dollars.
« Cette histoire de S-300, c’est un peu les Mistral de l’Iran », compare
François Heisbourg, en référence aux deux bâtiments de guerre Mistral français
vendus à Moscou, dont Paris a suspendu la livraison en raison du conflit
ukrainien.
« C’est un sujet chaud et les Russes cherchaient une porte de sortie », selon
le chercheur, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
L’annonce permet aussi à la Russie, qui a déjà construit l’unique centrale
nucléaire iranienne de Bouchehr et négocie la construction de nouveaux
réacteurs, de se positionner dans l’hypothèse d’une future ouverture du marché
iranien en cas d’accord final sur le nucléaire.
« La Russie souhaite que l’accord (sur les S-300) soit honoré afin de
pouvoir gagner un accès sans entrave au marché iranien », estime Jeremy Binnie,
du magazine Jane’s Defence Weekly.

– Message aux agresseurs potentiels –

Mais au-delà de l’aspect commercial, ces batteries sol-air sophistiquées
véhiculent plusieurs messages. « Cela fera réfléchir les agresseurs potentiels »
de l’Iran, tranche l’analyste russe Andreï Baklitskï, du centre de réflexion
indépendant PIR.
« Nous voyons ce qui se passe au Yemen, et ailleurs au Proche Orient », où
« les puissances régionales sont mieux équipées que l’Iran », souligne-t-il,
citant l’Arabie Saoudite, l’Egypte, Israël… « Les S-300 pourraient aider à
égaliser les chances », note-t-il.
Téhéran s’est ainsi empressé d’assurer que la livraison de ces batteries
antiaériennes serait « un signe de stabilité pour la région ».
Enfin et surtout, « tout ce qui peut rendre compliqué une éventuelle
intervention contre les installations nucléaires iraniennes est bien
évidemment appréciable » du point de vue de Téhéran, selon François Heisbourg.
La version des S-300 russes qui pourraient être livrées à l’Iran « est
plutôt ancienne, mais assez efficace pour protéger les sites iraniens,
notamment nucléaires, de frappes aériennes éventuelles », souligne Andreï
Baklitskï.
Un message sans doute jugé opportun par Téhéran au moment où Israël,
farouche détracteur de tout compromis avec l’Iran, assure que l’option
militaire d’une frappe contre les installations nucléaires est toujours sur la
table.
L’annonce du Kremlin est intervenue alors que les négociateurs du P5+1
(Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne) et de l’Iran
vont s’engager dans les ultimes et les plus délicates négociations pour tenter
d’aboutir à un accord final sur le nucléaire iranien d’ici le 30 juin.
Pour Jeremy Binnie, la possibilité de livrer les S-300 « est une carotte
pour encourager les Iraniens à parachever l’accord ». Une analyse partagée par
M. Heisbourg, pour qui « le but des Russes dans la vie n’est certes pas de
servir la soupe à l’Occident, mais ce n’est pas non plus celui de voir l’Iran
se doter de la bombe atomique ».
bur-cf/bpi/cls

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