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« La cité muette »: du camp de Drancy à la cité HLM, hantée par le passé

Drancy, 8 mai 2015 (AFP) – Après la guerre, le camp de Drancy est devenu la
cité de la Muette, un ensemble HLM: Dans un film qui sort mercredi, Sabrina
van Tassel fait parler anciens internés et occupants actuels de ce qui fut,
entre 1941 et 1944, l’antichambre française d’Auschwitz.
« Mon approche a été de raconter l’histoire de ce camp de concentration
comme un voyage dans le temps, entre passé et présent », explique la
réalisatrice de la « Cité muette », 36 ans.
Edifiée au début des années 1930, la cité est l’un des premiers ensembles
de logements sociaux de la région parisienne, mais reste inachevée en raison
de la crise économique. Dès juin 1940, elle est réquisitionnée par l’armée
allemande.
La forme du bâtiment en U se prête facilement à sa transformation, à
compter d’août 1941, en camp d’internement de juifs. Jusqu’à la rafle du Vel
d’Hiv, en juillet 1942, seuls des hommes y séjournent, dans des conditions
inhumaines – certains meurent de faim – puis ils sont déportés « pour faire de
la place à leurs femmes et à leurs filles ».
« Errant dans les couloirs du camp, baignant dans leurs excréments, pleurant
après des parents qu’ils ne reverraient plus »: à partir du 15 août, ce sont
trois mille enfants, dont les plus jeunes n’ont pas deux ans, qui arrivent à
Drancy sans leurs parents, pour être déportés.
Sur les 76.000 juifs déportés de France, 63.000 sont partis de Drancy,
essentiellement vers Auschwitz. Seuls 3.500 en sont revenus.
Pour Serge Klarsfeld, conseiller historique du film, et dont le père,
interné à Drancy, n’est jamais revenu de déportation, il s’est écrit entre ces
murs « la page la plus noire de l’histoire de France ».
Une page que l’on s’est empressé de tourner dès la fin de la guerre en
transformant le camp en cité HLM, qui abrite aujourd’hui 500 locataires.

– « Comme si les lieux n’avaient pas de mémoire » –

Est-il normal que des gens vivent dans un lieu au passé aussi lourd,
rappelé régulièrement par des commémorations et la présence, depuis 2012, du
Mémorial de la Shoah? Est-il normal qu’on y loge en priorité, comme c’est le
cas aujourd’hui, des personnes vulnérables, anciens SDF ou malades mentaux?
C’est la question que pose le film.
Sabrina van Tassel, qui avait découvert l’existence de la Muette pendant le
tournage de son précédent film, « La Tribu de Rivka » (2010), raconte avoir été
« abasourdie de découvrir que la cité était intacte et que des gens vivaient
dans ce lieu de douleur ».
« La cité est +muette+ parce qu’on a voulu taire son histoire sordide en
réhabilitant ses murs. Comme si rien ne s’était jamais passé, comme si les
lieux n’avaient pas de mémoire », affirme la réalisatrice, également
journaliste indépendante.
Rythmé par les récits poignants d’anciens internés, le film jette par
ailleurs une lumière crue sur « l’un des derniers tabous » en France, selon
l’historien Didier Epelbaum : le rôle des gendarmes dans la déportation des
juifs de France.
Le camp de Drancy était gardé par 300 gendarmes de la 22e légion de la
région parisienne. Leur chef, le capitaine Marcelin Vieux, est décrit comme un
vrai sadique: « Il se baladait avec un nerf de boeuf et cravachait les
internés », femmes et enfants compris.
A partir de juillet 1943, la gestion du camp est reprise en main par Aloïs
Brunner, nommé à Paris pour accélérer la déportation des juifs français. Pour
mieux leurrer les internés, il embellit le camp en y faisant notamment pousser
du gazon, toujours visible aujourd’hui.

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