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Crimes du nazisme: une justice tardive et incomplète

Lunebourg (Allemagne), 21 avr 2015 (AFP) – La justice allemande concentre
les critiques pour son traitement des crimes nazis, accusée d’avoir trop peu
condamné, trop faiblement et trop tard.

– Quelles suites judiciaires ont eu les crimes du IIIe Reich ?
Selon l’historien allemand Andreas Sander, quelque 6.650 personnes ont été
condamnées depuis 1945 par les Alliés occidentaux, la RFA puis l’Allemagne
réunifiée. Mais la plupart l’ont été pour dénonciations ou persécutions,
contre 7% pour « meurtres de masse » – incluant le génocide des Juifs. Seules 9%
des peines ont dépassé les 5 ans de prison, avec 166 condamnations à
perpétuité.
L’ex-RDA s’est montrée bien plus radicale, avec 12.890 condamnés entre 1945
et 1989 et des peines plus lourdes, d’après le juriste néerlandais Christiaan
Rüter. Pourtant son bilan judiciaire est « délicat à analyser », avertit Daniel
Bonnard, de l’université de Marbourg: procès politiques et procès contre
d’anciens nazis sont difficiles à distinguer, d’autant que les remplaçants des
juges chassés par l’épuration étaient « plus enclins à rendre des décisions
idéologiques ».

– Pourquoi les crimes les plus graves ont-ils été si peu sanctionnés ?
En raison de la « présence d’anciens nazis dans l’administration et la
justice », important frein aux poursuites, et des « choix politiques effectués
en 1949 », lors de la fondation de la République fédérale d’Allemagne, explique
Daniel Bonnard.
Soucieux d’oublier et de reconstruire, les Allemands de l’Ouest ont rejeté
le bilan des procès menés depuis 1945 par les Alliés, perçus comme « une
justice de vainqueurs » poursuivant des fins politiques.
La jeune RFA a donc refusé d’intégrer à son droit la notion de « crimes
contre l’humanité », qui permettait de prendre en compte la dimension
collective de l’extermination, avec une gradation des responsabilités. Elle ne
l’a fait qu’en 2002, sans effet rétroactif.

– Quelles conséquences a eu ce choix ?
« Avec le droit commun criminel, les juges étaient coincés », résume Andrej
Umansky, chercheur en droit pénal à l’Université de Cologne.
La qualification de « meurtre aggravé » entraîne mécaniquement la perpétuité
(en pratique, 15 ans incompressibles), sans modulation possible. Or les
magistrats « avaient devant eux des accusés déjà âgés et bien insérés », qui
avaient agi dans le cadre « d’un Etat dictatorial », rappelle M. Umansky.
Pendant des décennies, les tribunaux ont donc posé deux principes. Ils
exigeaient d’abord la preuve d’une participation individuelle aux crimes,
tâche délicate quand l’extermination engage tout l’appareil d’Etat. Il a fallu
attendre la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ancien gardien de Sobibor,
pour s’affranchir de cette preuve.
Par ailleurs, la justice réservait les condamnations les plus lourdes à
ceux qui avaient tué de leur propre initiative ou avec une cruauté
particulière. Tous les autres étaient traités comme des « complices »,
c’est-à-dire des exécutants « dénués de volonté propre », relève Daniel Bonnard.

– Pourquoi des procès aussi tardifs ?
Il a fallu attendre la création en 1958 de l’Office d’enquête sur les
crimes du nazisme de Ludwigsbourg, puis sa compétence élargie en 1964, pour
accélérer les poursuites. Or il s’était déjà écoulé 20 ans depuis la guerre et
les souvenirs des témoins s’estompaient, fragilisant l’accusation.
Enfin, en 1968, trois lignes glissées dans une loi forgée par Eduard
Dreher, juriste au passé nazi, ont entraîné la prescription discrète de nombre
de procédures. Les  membres de l’Office central de la sécurité du Reich
(RSHA), chargés d’organiser la déportation des Juifs, ont ainsi échappé aux
poursuites « malgré une énorme enquête », raconte Andrej Umansky.
Passé inaperçu, cet épisode a resurgi en 2012 avec le scandale provoqué par
« L’affaire Collini », roman de l’avocat Ferdinand Von Schirach. La même année,
le ministère de la Justice a confié à une commission d’enquête, dont la
mission court encore, le soin de se pencher sur son passé.

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