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Interview en exclusivité du Président du Consistoire Joel Mergui pour Israel Actualités

Joël Mergui, Président du Consistoire National et du Consistoire de Paris : « Au cœur de la
tourmente, une flamme s’est allumée… »

joelmergui-1435662834 (1)Le Président du Consistoire le dit lui-même, il en a conscience : il revient de loin. Sur tous les fronts
entre février et mars, entre les festivités de Pourim et les élections municipales, il a multiplié les
réunions, les participations à des événements impliquant de nombreuses personnes et les
déplacements. Autant d’occasions de rencontrer le virus pour lui, même s’il est médecin. Au cours
du mois de mars, nous apprenions que lui-même, ainsi que son épouse, étaient hospitalisés. Après
plusieurs semaines difficiles, Joël Mergui est de retour parmi nous. Ému autant par le dévouement
des soignants que par l’élan de solidarité qui s’est créé autour de lui, il livre, pour Israël Actualités,
sa vision du monde d’après et dresse le bilan des heures de tourmente écoulées. Entretien
exclusif…

L’annonce de votre hospitalisation a suscité beaucoup d’émoi au sein de la communauté juive…
Tous ceux qui l’ont vécu le savent, c’était un moment très difficile à passer. Je voudrais d’ailleurs
débuter cet entretien par des remerciements, adressés à tous ceux qui se sont inquiétés de notre
état de santé. La solidarité, l’intérêt, l’empathie que nous avons ressentis, mon épouse et moi-même
nous ont touchés à l’extrême. Cette union, ce sentiment que nous étions tous là les uns pour les
autres et que le sort de chacun concernait tout le monde furent des constantes, au sein de la
communauté juive, au cœur de ce tsunami. Prières, tehilim, vœux, échanges de nouvelles… Amplifiée
par les réseaux sociaux, cette union sacrée au sein de notre communauté m’a ému aux larmes autant
qu’elle me rend fier. Triste aussi, car elle fut, hélas, le corollaire de nombreuses douleurs : au sein des
différentes communautés juives de France, de nombreuses pertes sont à déplorer, de nombreuses
personnes sont encore hospitalisées. J’espère du fond du cœur que, pour ces derniers, ce cauchemar
aura une fin heureuse. Je souhaite à tous les malades de France et du monde un rétablissement
rapide et complet : refoua chelema…
Vous avez tenu à souligner, l’ayant vécu au plus près, l’investissement des équipes soignantes au
chevet des malades…
Tous font un travail extraordinaire et leur dévouement, leur engagement m’a frappé. Il y a eu, au sein
du corps médical dans son ensemble, une cohésion d’équipe et un investissement extrêmement
impressionnant. Toutes les personnes qui sont venues à mon secours, brancardier, réanimateurs,
infirmières, médecins, aides-soignants, personnel technique… Tous ont été d’un courage
exceptionnel. On parle des soignants tous les jours, on les remercie. C’est justifié et je l’ai fait moi-
même, avec émotion, en sortant de l’hôpital. Mais je veux aussi dire mon admiration aux personnels
techniques, en particulier aux équipes de nettoyage. Plus que quiconque, ces personnes sont
exposées au virus. Tous les jours, elles prennent le risque d’être infectées pour assurer notre propre
santé et sécurité. Je veux leur rendre ici hommage.
Cette expérience vous a-t-elle changé, à titre personnel ?
Sans doute. C’est dans les moments de crise que l’on se remet en question. En tant qu’être humain,
que professionnel. En tant que responsable communautaire également. On ne traverse pas ce genre
d’épreuves sans besoin de réflexion ni remise en cause.

« Il est trop tôt pour rouvrir les lieux de culte »

Justement, en tant que responsable communautaire, comment voyez-vous la reprise de la vie
religieuse, et en particulier l’ouverture des lieux de culte. Elle est, selon les autorités sanitaires,
envisagée pour le 29 mai prochain. Cela vous semble-t-il possible ?
J’aimerais d’abord dire que la date du 11 mai, jour du début du déconfinement, a circulé, concernant
les lieux de culte. Or, c’est faux. A aucun moment le gouvernement n’a prévu de rouvrir les lieux de
culte le 11, et encore moins le consistoire… J’ai tout de suite exprimé qu’il serait irresponsable,
compte tenu de la situation sanitaire, de rouvrir les lieux de rassemblements. Je suis en contact avec
le Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre de l’Intérieur, le comité scientifique à
ce sujet. J’ai mis en place avec les présidents de communautés, avec plusieurs rabbins, des
Administrateurs, l’AMIF, les Aumôneries, un groupe de réflexion pour travailler sur le sujet du
déconfinement. Le confinement avait fait l’objet d’un énorme consensus dans le monde juif et non
juif. Toutes les sensibilités rabbiniques ont adhéré à la décision de fermer synagogues, centres
communautaires et mikvaot et je tiens, en particulier, à rendre hommage aux Grands Rabbins d’avoir
eu ce bon sens et ce courage. Or, ce consensus doit se maintenir et surtout prendre en compte le
défi sanitaire du moment : rouvrir le 11 mai, cela voulait dire, inviter implicitement les fidèles à se
rendre à la synagogue au moment de la Hilloula de Rabbi Shimon Bar Yohaï. Lag Baomer est un
temps fort de la vie religieuse. Un temps de rassemblement et l’affluence au sein des lieux de culte
aurait été inévitable. Or, déconfinement ne veut pas dire fin de l’épidémie. Il faut être très prudent !
Quid, dès lors, de la date du 29 mai ?
Comme n’importe quel fidèle, la fermeture des lieux de culte me peine énormément. Je serai le
premier à me réjouir le jour où nous pourrons ouvrir, mais pour moi l’heure n’est pas encore venue.
Le Président avait parlé de mi-Juin, le Premier Ministre, lui, avait annoncé le 2 Juin. Je pense qu’il y a
eu une forte pression afin d’ouvrir les lieux de cultes pour Pentecôte, qui se déroulera le même
weekend que Chavouot. J’ai exprimé mes réserves concernant cette date, à plus d’un titre. Ainsi,
Chavouot et Pentecôte tombent peu après la fête de l’Aïd. Cela risque d’exacerber les tensions entre
les différentes communautés religieuses, avec l’idée qu’on ouvrirait les lieux pour les juifs et les
chrétiens, pas pour les musulmans. Par ailleurs, à ce stade, alors que le problème de masques et des
dispositifs de protection n’est toujours pas réglé, il est trop tôt ! Il faut protéger les fidèles, garantir
leur sécurité et avoir des données qui permettent une appréciation censée des risques. Nous
mettons donc en place aujourd’hui les conditions d’ouverture et la capacité de nos synagogues à les
appliquer mais aussi à les maintenir dans le temps. Par ailleurs, s’il y a une deuxième vague
d’infection, elle se produira sans doute au mois de juin. Je pense qu’il faut attendre de voir si le
nombre de malades repart à la hausse dans les semaines qui suivent le début du déconfinement. Il
faut une reprise sereine et progressive de la vie religieuse dans les lieux de culte et pas dans un
moment de grande affluence. Avec les données dont nous disposons à ce jour, qui seront de plus
réévaluées fin mai, l’ouverture pour Chavouot me paraît prématurée. En attendant, il est important
de continuer à prier et chanter chez nous !
Vous abordez ici le sujet de la vie religieuse et communautaire hors des lieux de culte. Il a fallu,
durant le confinement, maintenir la solidarité, comme par exemple la distribution de « paniers de
Pessah » aux plus démunis. Comment le consistoire est-il parvenu à organiser ce type de dispositifs
durant cette période ?
Grâce au Secours juif et aux différentes instances communautaires, nous avons pu, à travers la
France, aider les plus fragiles et maintenir, notamment, les livraisons de colis alimentaires pour
Pessah. Je voudrais d’ailleurs rendre hommage à tous les leaders communautaires et rabbins qui ont
fait l’impossible pour, à la fois récolter des dons alors que les synagogues étaient fermées et
organiser ces achats et leur distribution. Il y a eu aussi un investissement inouï des jeunes. Rien

n’aurait pu se faire sans l’extrême investissement du tissu associatif, de ses bénévoles et des
initiatives individuelles. Dans cette épreuve, notre communauté a su se montrer unie, plus encore
que d’habitude.

« Mikvaot et brit milot doivent reprendre sans délai »

Durant le confinement, l’ouverture puis la fermeture des mikvaot a suscité nombre de débats et de
questions. Envisagez-vous leur réouverture prochaine ?
Cette question a fait l’objet d’intenses réflexions, au sein d’une cellule de travail incluant dayanim,
rabbins, médecins de l’AMIF et représentants de mikvaot, ainsi que, bien sûr, le Grand Rabbin de
France et le Grand Rabbin de Paris. Nous savons quelles sont les difficultés quotidiennes des femmes
confrontées à l’impossibilité d’aller au mikve et s’il a fallu fermer pour les protéger, il faut aujourd’hui
pouvoir leur ouvrir les portes des mikvaot en garantissant leur sécurité. Nous avons ainsi établi un
cahier des charges sanitaires avec formation des balaniot. Certains mikvaot ayant mis en place ces
procédures sanitaires extrêmement rigoureuses et contrôlées vont pouvoir rouvrir. Les balaniot
devront avoir reçu une formation sanitaire additionnelle, adaptée à la situation épidémique. Nous
allons aussi mettre en place, pour chaque mikve, un référent sanitaire afin de proposer un réel
encadrement médical à tous les établissements. Même si la reprise d’activité et l’affluence seront
progressives, c’est important, pour protéger le personnel comme le public.
Qu’en est-il des circoncisions, qui n’ont pu se faire au cours des deux derniers mois ?
Le consistoire a la responsabilité d’orienter les grandes lignes de la vie juive au quotidien comme
pour les temps forts de la vie familiale. Les brit milot n’ont pu se faire et le même comité scientifique
travaille à l’heure actuelle sur la reprise des circoncisions, en partenariat avec l’association française
des mohalim. Cela pourra se faire, mais uniquement dans un cadre familial restreint : le père, la mère
et le mohel, et selon un cahier des charges sanitaires précis et rigoureux. J’en profite pour dire aux
familles ayant accueilli un nouveau-né durant le confinement que nous serons là pour les
accompagner afin que sa brit mila puisse se faire dans les conditions de sécurité sanitaire maximales.
Nous travaillons avec les Mohalim de tout le pays pour que les choses se passent au mieux. Vous
voyez, autant le mikve et les circoncisions pourront reprendre, car ce sont des fondamentaux de la
vie juive qui s’accommodent mal de délais, autant nous ne prendrons pas de risques pour les
synagogues. Le prix de la vie, le respect de la vie, priment sur tout y compris la reprise des offices.
Je voudrais revenir sur la circoncision, puisque des lecteurs nous ont posé cette question. Qu’en
est-il de la nomination de l’enfant ?
C’est aux rabbins de répondre plus précisément. Normalement, la nomination se fait le jour de la
circoncision, même si elle est décalée, ce qui peut arriver, lorsque l’enfant n’a pas le bon poids ou fait
une jaunisse à la naissance. Pour la COVID-19, on entre dans le même cadre me semble-t-il, mais je
laisserai, comme je vous l’ai dit, les rabbins statuer sur ce sujet.
Parlons des Mariages…
Effectivement, c’est aussi un temps fort de la vie juive fondamental pour lequel le consistoire reste
un interlocuteur important. Cela me donne d’ailleurs l’occasion d’une mise au point. En France, il est
interdit de célébrer un mariage religieux avant qu’ait lieu le mariage civil. C’est une loi à laquelle nous
ne pouvons déroger et ce depuis près de 210 ans, soit depuis la création des consistoires ! J’engage
tous les jeunes couples qui ont envie de se marier et toutes les instances religieuses à rester dans le

respect de cette règle. Je rappelle que la Ketouba est un acte religieux essentiel qui demeure dans les
archives du consistoire de manière pérenne. Je sais qu’un nombre important de mariages étaient
prévus, en France, comme en Israël. Ils ont dû être repoussés et c’est douloureux, pour les couples
comme pour les familles. Je remercie d’ailleurs les services du consistoire en charge de ces questions
d’avoir su être aux côtés des familles pour les aider à trouver des solutions. Nous sommes en relation
constante avec le ministère de l’Intérieur pour savoir à quelle date les mairies rouvriront. Dès lors
que les unions civiles auront lieu, il sera possible d’organiser les cérémonies religieuses, en tout petit
comité. Notre principal objectif est de ne pas laisser les jeunes couples dans l’expectative trop
longtemps…

« La vie et la santé des fidèles n’ont pas de prix ! »

Pour pouvoir continuer à fonctionner, les consistoires ont besoin de fonds. Or en fermant les lieux
de culte, c’est une source importante de financement, par le biais du don qui s’est éteinte. Dans
quelle mesure l’institution est-elle impactée ?
Nous avons privilégié la vie et la santé des fidèles à la santé économique de notre institution. Vous
avez raison : les dons sont notre source essentielle de financement puisque le consistoire ne reçoit
aucune aide de l’État. L’institution parisienne et les différentes émanations locales ne vivent que de
la générosité des donateurs. Nous comptons d’ailleurs sur cette générosité pour que la solidarité via
le don ne s’éteigne pas. La perte des dons durant les offices de Shabbat et des fêtes est, de fait, un
facteur extrêmement impactant. En fermant les synagogues, en décidant de ne pas les ouvrir tant
que le risque sanitaire ne sera pas levé, nous savons que nous mettons en péril notre institution sur
le plan économique. Mais la vie et la santé des fidèles n’ont pas de prix !

Quels sont les dispositifs qui vous ont permis de fonctionner malgré l’absence de rentrées
d’argent ?
La législation française et le dispositif mis en place pour protéger les travailleurs durant la crise
sanitaire ont permis de mettre au chômage partiel les salariés de l’institution qui n’étaient pas en
télétravail, car, comme n’importe quelle structure, les consistoires ont dû assurer une continuité de
services. La situation est plus compliquée pour le personnel religieux. Du fait de la loi de 1905, le
personnel religieux ne peut bénéficier du même dispositif et je ne vous cache pas que cela nous a mis
en difficulté. Principalement à Paris, puisque le consistoire de Paris a la responsabilité directe de 80
communautés en Ile-de-France. Idem pour la province. Or les caisses des communautés sont
globalement déficitaires et celles qui, dans les communes plus favorisées comme Neuilly-sur-Seine
sont excédentaires ne suffisent pas à combler les déficits des autres, comme Sarcelles ou Créteil.
C’est donc pour moi l’occasion d’appeler au soutien des synagogues et des lieux de culte par le biais
du don. Quel que soit votre degré de pratique ou de fréquentation des synagogues, si vous tenez au
maintien de la vie juive, il faut la soutenir financièrement, d’autant que les dons sont déductibles des
impôts. Nous savons que nombreuses sont les familles qui affrontent de graves difficultés
économiques et que le don n’est pas toujours possible, mais je tiens à attirer l’attention de vos
lecteurs sur ce point. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’institutions fortes pour
défendre la communauté juive et le judaïsme. Pour pouvoir soutenir les communautés juives, le
consistoire a besoin d’être soutenu également ! Il ne peut y avoir de vie juive, même profane, sans la
présence d’une synagogue.

Selon Les décomptes effectués, il y a quelques semaines, par la Hevra Kadicha, pour le Grand
Rabbin de France, le nombre de défunts de la COVID était estimé à environ 250 morts au sein de
notre communauté. Or, I24 news annonce un chiffre de 1300 morts. Pouvez-vous nous dire quel
chiffre est le plus probable ?
Il y a eu beaucoup trop de décès dans notre communauté. Beaucoup d’informations ont circulé à ce
sujet et de fait, le décompte exact est aussi sinistre que difficile à faire, car toutes les personnes
décédées n’ont pas forcément eu affaires aux mêmes institutions : certains défunts ont été gérés par
la Hevra Kadicha, d’autres par les pompes funèbres, les proches n’ont pas forcément pu ou voulu
demander de cérémonie religieuse et certaines personnes, décédées seules, n’ont pas été prises en
compte. Je voudrais d’abord dire que chaque vie compte, que chaque mort est une douleur. Réduire
nos coreligionnaires décédés à un chiffre, à une statistique, est insupportable. Depuis une quinzaine
de jours, nous avons entamé avec les hevra kadicha, les pompes funèbres, les cimetières et les
communautés, ainsi que le consulat d’Israël, un travail de collecte de données minutieux. A ce jour,
le chiffre de 600 morts est plus cohérent, essentiellement en région parisienne, puisqu’elle regroupe
les deux tiers de la communauté juive. Nous poursuivons ce recueil d’informations et nous
l’actualiserons régulièrement. Notre objectif principal, c’est d’abord de veiller à ce qu’il n’y ait pas de
nouveaux décès qui viendraient allonger cette liste.
Quels sont les défis qui se sont avérés difficiles à relever au cours du confinement pour le
consistoire ?
Il a fallu maintenir la vie juive virtuellement, grâce aux conférences, aux réunions en ligne. Le e-
learning a permis de remplacer le talmud torah, et j’ai beaucoup d’admiration pour la façon dont les
communautés ont su maintenir le lien digital avec leurs fidèles ! Il a fallu aussi veiller à la santé et à la
protection de nos partenaires en fournissant des masques aux responsables communautaires. Rien
n’aurait été possible sans l’intervention de Jack-Yves Bohbot, vice-président du Consistoire, auprès
de la Présidente de la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse qui nous a fourni les masques, durant la
période de pénurie. Je dirais cependant que les batailles les plus difficiles furent celles de la
cacherout et de l’accompagnement de la Hevra Kadicha, confrontée à la douleur des familles.
Concernant la cacherout, il a fallu envoyer des chohatim dans toute la France pour les abattages
rituels. Certains sont âgés, d’autres sont tombés malades. Malgré ces soucis, il n’y a pas eu de
pénurie, ni de viande casher, ni de matsot à Pessah. Concernant la Hevra Kadicha, je salue le travail
de Serge Benhaïm, son directeur et du Rabbin Aimé Atlan, ainsi que leur dévouement. Ils ont dû se
battre, notamment, pour que les défunts juifs ne soient pas incinérés, qu’ils soient inhumés
rapidement. Il y a eu aussi un important travail effectué avec l’aide des autorités israéliennes, afin
que les corps soient acheminés et enterrés en Terre Sainte. Au plus fort de ces heures difficiles, nous
avons pu être au côté de nos coreligionnaires.
Nombreuses sont les personnes qui n’ont pas été autorisées à assister aux enterrements…
Effectivement et c’est douloureux de ne pas dire adieu. Nous allons, à ce titre, mettre en place un
mémorial virtuel, sous l’égide du consistoire. Toutes les victimes de la COVID-19 seront nommées,
afin d’offrir à leurs proches un « lieu » de recueillement.
Selon nos sources, impossible désormais de faire enterrer un défunt en région parisienne. Le carré
juif du cimetière de Pantin (Seine-Saint-Denis-NDLR) est complet. Quant à celui qui a été ouvert à
Thiais (Val-de-Marne), il aurait également atteint sa capacité maximum ?
Le carré juif de Thiais n’est pas complet, il reste de la place. C’est effectivement plus compliqué à
Pantin…

« La question des masques, en tant que médecin, m’a interpellé »

Sur la gestion de la crise sanitaire, vous qui avez été frappé de plein fouet par l’épidémie, pensez-
vous que le gouvernement ait pris des décisions non pertinentes ou trop tardives ?
Impossible de répondre à ces questions aujourd’hui. C’est après la crise qu’on dresse un bilan, pas
pendant. Ce que je peux dire, c’est qu’en tant que médecin, le maintien du premier tour des
élections municipales m’a interpellé, comme le fait qu’on réfute l’utilité du port du masque. Oui, le
masque est efficace pour éviter la contamination entre individus et même si son efficacité n’est pas
absolue, elle reste importante. De même, je m’interroge aujourd’hui, en phase de déconfinement,
sur le fait que le port du masque ne soit pas rendu obligatoire tout le temps et pour tout le monde, à
l’exception peut-être des jeunes enfants, dans l’espace public. Pour moi, c’est tout autant une
question d’ordre sanitaire que de rigueur et de pédagogie. Si l’on habitue la population à l’idée que
le masque n’est pas requis tout le temps, on court le risque qu’il soit mis de côté rapidement.
Que pensez-vous de la gestion de la crise par le gouvernement israélien ?
Tout le monde a admiré la rigueur avec laquelle Israël a géré cette crise, en fermant les frontières, en
instaurant très rapidement le confinement, en testant au maximum les malades ou porteurs
potentiels. J’ai pris contact, il y a quelques semaines, avec l’Etat d’Israël et le conseil scientifique
israélien pour bénéficier de leurs conseils concernant la réouverture des synagogues. Les échanges
des communautés de diaspora avec le pays sont constants, c’est inscrit dans notre tradition. Aussi,
dans cette crise sanitaire, bénéficier des connaissances israéliennes est fondamental. Ceux qui ont
admiré la rigueur israélienne doivent d’ailleurs respecter la rigueur que nos institutions proposeront
pour le déconfinement. J’aimerais que l’exemplarité israélienne en la matière nous inspire et nous
permette de gérer au mieux la reprise de la vie consistoriale et la réouverture des lieux de culte…
Les mois passés vous ont-ils changé ?
Sans doute. Les heures que nous vivons sont cruciales à plus d’un titre : Lag Baomer s’achève et
commémore, entre autres, la fin de l’épidémie qui a décimé les 24 000 élèves de Rabbi Akiva, mais
aussi le mérite de Rabbi Shimon Bar Yohaï, qui en s’enfermant 12 ans durant dans une grotte, avec
son fils, nous a offert le Zohar. A l’image de ces deux figures du judaïsme, et chacun à notre modeste
niveau, nous avons changé, appris, eu envie d’autre chose pour après. Le temps s’est ralenti et
l’épidémie nous a obligés à revenir à l’essentiel, au temps que nous passons avec nos conjoints, nos
enfants, nos parents. Au fait qu’il est précieux. Nombreux sont ceux qui, parmi nous, ont mis à profit
ce temps pour étancher leur soif de connaissances, d’étude. Tous, nous avons grandi. Il nous faut
désormais utiliser ce nouvel état d’esprit pour revivre et faire revivre le judaïsme. Le peuple juif sait,
depuis des millénaires, qu’à chaque heure sombre succède le temps du bonheur. Pour le voir
s’épanouir, il nous faut faire preuve de patience et de discipline.
Comment voyez-vous, dès lors, le monde de demain ?
C’est une question que se pose le monde entier ! On voudrait, par facilité, par naïveté aussi, croire
qu’il ne ressemblera en rien à celui d’hier. Que nous saurons mieux déterminer nos priorités,
respecter le vivant, revenir à l’essentiel. Réfléchir à la façon dont la course à la productivité et la
mondialisation nous ont rendu vulnérables. La question revêt de multiples facettes : philosophique,
politique, sociologique, économique… A l’échelle de la communauté juive, je dirais que le principal
enseignement concerne les valeurs fondamentales du judaïsme : nous n’avons jamais autant prié
qu’en ce moment, alors que les lieux de culte étaient clos. Ceux qui ne lisaient pas ont appris à lire,
ceux qui ne croyaient en rien ont découvert la foi et se sont tournés vers Hachem. Tout cela, il ne
faudra pas l’oublier. Loin de saborder notre unité, la distance et la séparation nous ont rendus plus

solidaires. Dans l’adversité, nous avons redécouvert la fraternité et la spiritualité. Au cœur de la
tourmente, une flamme s’est allumée. Il faudra tout faire pour la garder vivace…

Propos recueillis par Alain SAYADA

Directeur du journal Israel Actualités

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